Pourquoi Saint Augustin est-il toujours d’actualité ?
Les clés de la pensée de l’évêque d’Hippone
Le n°400 de Lire consacre des pages sur l’évêque d’Hippone
Saint Augustin, et toi, et moi
Par Philippe Delaroche (Lire), publié dans l’Express, le 10 novembre 2011
http://www.lexpress.fr/culture/
Saint Augustin, philosophe et théologien chrétien né en 354 à Thagaste et mort en 430 à Hippone (Algérie), reste toujours d’actualité. Explications.
Plus de mille six cents ans et une mer de malentendus nous séparent de son époque. Et pourtant, en dépit des évolutions dont procède notre société occidentale, étrangère aux préoccupations de l’Empire romain aux IVe et Ve siècles, et en voie de déchristianisation, la parole d’Augustin fait l’effet d’être non seulement compréhensible, mais proche, sinon familière. La Bible mise à part, il n’y a pas d’exemple d’un best-seller mondial aussi régulièrement traduit et réédité que les Confessions.
Ce livre ne continue pas d’être lu parce qu’il serait le prototype de l’autobiographie, mais parce qu’il est une déclaration d’amour d’une franchise sans égale. « Je vais reprendre ma lecture de saint Augustin, écrit la jeune juive hollandaise Etty Hillesum. Quelle sévérité, mais quel feu! Et quel abandon sans réserve dans ses lettres d’amour à Dieu! » (Journal, 30 mai 1942.)
Cela signifie, et c’est pourquoi il peut passer aujourd’hui encore pour un frère, que le propos de cet homme-là peut toucher, éclairer, donner à penser ou libérer n’importe lequel d’entre nous qui, en quête d’une vie heureuse, s’interroge sur l’origine d’une sourde insatisfaction, solitude ou lassitude.
Surabondante, la postérité d’Augustin réunit celles et ceux qui l’ont fréquenté, que leur oeuvre en revendique ou pas le sceau, qu’ils l’aient critiqué, déconstruit ou qu’ils aient mis leurs pas dans les siens et poursuivi, en la reconsidérant, son entreprise. A tout le moins, mentionnons: Dante, Pétrarque, Thomas d’Aquin, Thérèse d’Avila, Luther, Pascal, Kierkegaard, Heidegger, Hannah Arendt, James Joyce, Flannery O’Connor, Julien Green, Albert Camus, Hans-Georg Gadamer, Jacques Derrida, Pascal Quignard. Que l’on est loin d’avoir épuisé le suc, le sens et l’actualité de l’oeuvre, c’est ce que rappelle l’exemple de Jean-François Lyotard. Averti que ses jours étaient comptés, l’auteur de La condition postmoderne tint à y consacrer son dernier essai. Dans La confession d’Augustin (Galilée, 1998), il souligne la valeur existentielle de cette « voix de tête »: appel cherchant à répondre à un appel originel, aussi indiscernable qu’insistant, le lecteur s’associant à la pensée qui, d’une invocation à l’autre, tâtonne dans le silence de la voix.
Quels traits ont en commun le Bas-Empire et notre temps? Les contemporains d’Augustin souffrent de la division de l’Empire romain. Les invasions, les successions se règlent dans le sang ; la corruption gangrène les élites. Nul ne sait de quoi demain sera fait. Ce présent XXIe siècle témoigne du déplacement du centre de gravité en faveur de l’Asie. Les pays occidentaux peinent à conjurer l’appauvrissement des classes moyennes. Hier, voie radieuse, la construction européenne est contestée. Et comme si la menace d’attentats islamistes ne suffisait pas, il faut redouter depuis le massacre d’Oslo, l’été dernier, jusqu’aux terroristes autoproclamés défenseurs de l’Occident chrétien! Folie et confusion des hommes…
Face au péril, la lecture d’Augustin n’a rien d’un délassement, quoiqu’elle distille une rare sérénité. A condition d’écarter les clichés repoussoirs. Augustin, qui reconnut aux hérésies l’utilité de « rendre plus lumineuse la doctrine de l’Eglise », n’est pas qu’un polémiste qui ferrailla contre le manichéisme, le donatisme, le pélagianisme et l’arianisme. Il est un pasteur, sur-sollicité, et un prédicateur.
Il y a chez Augustin une joie sans rapport avec le « maître d’inquiétude » salué par Chateaubriand. Est-il l’agent culpabilisateur numéro un? Ses « blocages » à propos de la femme, du sexe et du mal, disait André Mandouze, las des anachronismes, sont partagés par la société des IVe et Ve siècles. Méprisait-il le corps, à l’instar des néoplatoniciens? Assez pour faire de la relation sexuelle le vecteur du péché originel. Sauf qu’Augustin a fini par se raviser: « Exalter l’âme comme le souverain bien et condamner comme un mal la nature de la chair, dit-il dans La cité de Dieu (Livre XIV), c’est convoiter l’âme et fuir charnellement la chair. »
Que l’amour, découverte née de sa rencontre avec le Christ, libère et sauve, c’est le message d’Augustin. Que « ce qu’il y a de meilleur en l’homme » n’est point assujetti « à ce qu’il y a de pire » (Soliloques), c’est ce que n’a pas fini d’évaluer la littérature.
« L’actualité d’Augustin nous saute à la figure »
Par Philippe Delaroche (Lire), publié dans l’Express le 10 novembre 2011
![Rémi Brague "L'actualité d'Augustin nous saute à la figure"](http://static.lexpress.fr/medias/1584/811195.jpg)
Rémi Brague, professeur de philosophie des religions européennes à l'université de Munich, est l'auteur de Du Dieu des chrétiens et d'un ou deux autres (Flammarion/Champs). Didier Pruvot/ Flammarion
Pour Rémi Brague, saint Augustin a fait de la relation à un dieu personnel, « qui ne nous demande rien » un concept-clé.
Augustin peut-il nous aider à nous orienter dans l’époque présente ?
Rémi Brague. Je veux! A la lumière, en particulier, de La cité de Dieu. Faites l’expérience suivante: remplacez tous les noms des dieux païens par le mot « valeur ». Et l’actualité d’Augustin vous saute à la figure. Car nous sommes à peu près dans la situation qui a suivi le sac de Rome en 410, qui provoqua un énorme traumatisme. Notre sac de Rome, c’est ce que les Américains appellent le « Nine Eleven », le 11 Septembre. Les attentats ont frappé au coeur l’empire américain, ni plus méchant ni plus bête que l’Empire romain qui, lui-même, n’a pas été le plus bête, ni le plus méchant de l’histoire de l’humanité. Les Romains ont construit un ordre vivable tandis que les Mongols ont surtout détruit.
Mais le traumatisme de 410 n’a pas suffi à Rome pour se ressaisir…
La question est de savoir si l’empire américain, l’équivalent moderne de l’Empire romain, va se raccrocher avec succès aux valeurs qu’on appelle démocratie, justice sociale, humanisme, etc. Chacun choisit ses dieux à sa guise. Avantage du polythéisme: le sujet est le seul dieu; c’est un monothéisme du sujet. Il compose son menu à la carte. S’il préfère l’humanisme, tant mieux pour lui. S’il préfère le pluralisme, ça ira aussi. Les valeurs, je regrette que les catholiques s’en gargarisent. On ne sait plus trop en quoi elles sont chrétiennes, ces valeurs. Pourquoi le nom du Christ? Qui c’était, ce mec? Qu’est-ce qu’il a fait? Est-ce qu’il est mort pour des valeurs? Est-ce qu’il a prêché des valeurs? Mais la foi des gens est sûrement plus profonde que leur façon de l’exprimer.
C’est la fadeur du discours que vous déplorez ?
Il en va de la foi comme des sentiments amoureux. Nous recevons de l’air ambiant des schémas. Ils nous permettent de l’exprimer, mais ils ne sont pas toujours adéquats. A nous de les briser pour trouver plus authentique. A l’exemple d’Augustin, quand il nous parle du dieu vivant, du dieu personnel. Ce qui est intéressant dans le dieu chrétien, ce n’est pas le fait qu’il n’y en ait qu’un seul, par opposition au foisonnement des dieux païens. La différence, c’est que le dieu chrétien nous fait vivre, alors que les dieux païens nous demandent de mourir pour eux. C’est à cela qu’on les reconnaît. Je viens de lire Les dieux ont soif. Le titre du roman d’Anatole France est presque une définition. L’un des personnages « prophétise » Bonaparte avec cet avertissement: vous vous soumettrez; vous serez mangés comme la grue de la fable a mangé les grenouilles. France ajoute: on reconnaît les dieux à leur appétit. Un dieu, c’est quelqu’un qui bouffe. Le dieu chrétien, lui, se donne à bouffer. Le dieu chrétien est mort pour nous, une fois pour toutes. Il ne nous prie pas de mourir pour lui, que je sache. L’ère des sacrifices est close. René Girard a raison, sur ce point comme sur bien d’autres.
Quels noms portent les valeurs qui suggèrent que l’on se sacrifie pour elles ?
L’homme, l’humanisme, l’égalité, la fraternité…
Et, hier, la patrie ?
La patrie a déjà donné, abondamment. Anatole France a publié son roman en 1912, deux ans avant que s’ouvre la grande boucherie. Ce dieu-là a justifié qu’on immole plusieurs millions d’hommes. D’ailleurs, il n’est pas sûr que la France s’en soit relevée. C’est dire si je suis frappé par la phrase de Nietzsche dans L’antéchrist (XIX). Il s’exclame: « Deux mille ans presque, et pas un seul nouveau dieu! » Mais quel con! Il n’avait pas des yeux pour voir, ce type-là? Car son siècle a été d’une inventivité religieuse fantastique. Pensez aux baha’is dans l’islam, aux mormons dans le para-christianisme, et à tous les occultismes. Sur ce sujet, le livre de Philippe Muray, Le XIXe siècle à travers les âges, est édifiant
Qui, respectivement, occuperait aujourd’hui la position des manichéens, donatistes et pélagiens que combattit Augustin ?
L’un des camps de base des manichéens est à Hollywood, parmi les médias. Avec ses « good guys » et ses « bad guys », des gens tout méchants ou tout gentils. L’équivalent des donatistes, qui s’estimaient moins pécheurs que les autres, ce serait les intégristes. Les héritiers des pélagiens sont les humanistes d’aujourd’hui. Lors d’une conférence sur Pélage et saint Augustin à l’université Boston College, Tzvetan Todorov vient de souligner qu’Augustin donne de la nature humaine une vision plus nuancée que cette espèce d’athlète du Salut qu’était Pélage. Augustin est moins élitiste. Ce qui manquait chez Todorov, c’était la notion de grâce, pourtant centrale. Reste que, selon lui, l’anthropologie de saint Augustin est beaucoup plus proche des phénomènes que celle de Pélage qui, lui, célèbre le triomphe de la volonté.
Face aux désordres du monde, sur quelle priorité Augustin mettrait-il l’accent ?
Je crois qu’il dirait d’avoir toujours présent à l’esprit ce qui est essentiel dans le christianisme, à savoir le Christ. Il nous appellerait au calme. Ce sont des choses qui arrivent, qu’une civilisation disparaisse.
Que faire quand on jouit de la liberté, mais pas du choix ?
C’est une chose qu’il faudrait reprendre avec Augustin, qui est un grand penseur de la liberté. La liberté ne s’apparaît à elle-même qu’à partir du moment où elle comprend qu’elle est entravée. L’expérience de la liberté, c’est que, même une fois qu’aucune contrainte extérieure ne m’est plus opposée, je ne suis pas fichu de vouloir ce que je voudrais. Voir saint Paul: « Car je ne sais pas ce que je fais; le bien que je veux, je ne le fais pas; le mal que je hais, je le fais. » (Epître aux Romains, 7, 15).
Ou c’est Anna Karina, dans Pierrot le fou, de Godard, qui serine continuellement: « Qu’est-ce que j’peux faire? J’sais pas quoi faire. »
Oui, c’est un peu ça. Nous avons desserré le frein à main. Et nous ne savons pas où aller. Augustin nous suggère d’aller vers un point qui n’est pas étranger à la liberté. Le christianisme est une libération de liberté (voir Galates, 5,1). Le Christ nous a libérés pour une liberté d’un tout autre type que celle du taxi à la merci de son client. De même, beaucoup de gens imaginent être libres parce qu’ils cèdent à leurs penchants. La formule augustinienne « pondus meum amor meus; eo feror quocumque feror » (« ma force de gravité, c’est ce que j’aime; c’est ce qui m’entraîne vers mon lieu naturel ») devrait être l’objet d’une méditation constante.
Par quelle lecture avez-vous commencé ?
Je suis loin d’en avoir achevé l’exploration. J’ai débuté, adolescent, par les Confessions, la porte d’entrée un peu anecdotique, si je puis dire, l’oeuvre la plus facile à trouver. Une oeuvre de toute beauté aux qualités rhétoriques exceptionnelles, nourrie de pensées que les philosophes n’ont jamais cessé de ruminer.
On reproche à Augustin de céder à l’outrance ou de manifester une certaine violence…
Il faut se représenter les conditions de son époque, les obligations qui l’accaparaient. Augustin aurait préféré formuler sa pensée assis à sa table, et disposer du temps souhaitable. Il s’exprime dans le feu de la controverse. Pour se faire entendre, il doit forcer le trait. Comme pour une négociation syndicale, il en fait « un max ». Le syndicaliste combatif ne dit pas au patron : « Vous pouvez me filer 5 % d’augmentation? » Il lui dit: « Doublez mon salaire; je meurs de faim, mes enfants sont dans la rue, ma femme est obligée de se prostituer. » Ce qu’il veut en fait, c’est obtenir 5 % d’augmentation.
La postérité d’Augustin dérive-t-elle du seul cachet littéraire des Confessions ?
Non. Pas uniquement. Augustin savait penser, avec rigueur et honnêteté. Quand il ne sait pas, il dit qu’il ne sait pas, il ne vous fait pas un enfant dans le dos. Chacun a ses préférences. Quant à moi, je songe à un passage que Heidegger avait lui-même pointé. Au livre X des Confessions, Augustin se demande pourquoi l’Ecriture dit qu’il y a des gens qui haïssent la vérité. Il cite ce vers de Térence : « veritas parit odium » (la vérité engendre l’envie ou la haine). Comment est-ce possible ? Tout le monde veut la vérité! A partir de là, il distingue la vérité qui éclaire, que l’on braque sur les choses et qui nous permet de les contrôler. Et, en un autre sens, la vérité qui fait retour sur nous, qui nous confond au sens où le juge convainc l’accusé par la preuve. Cette deuxième forme de vérité, nous ne l’aimons pas trop: elle nous démasque jusque dans nos sales petits secrets. On peut adapter ce concept à d’autres domaines. Par exemple, nous aimons notre passé dans la mesure où nous pouvons nous y balader en touriste. Mais nous le détestons dans la mesure où il fait de nous celui que nous sommes, le passé qui nous détermine. Idem pour l’avenir: nous pouvons rêver de lendemains qui chantent. En revanche, nous n’aimons pas l’avenir lorsqu’il nous met en demeure de le préparer dès maintenant. Voulez-vous que la race humaine continue? Faites des enfants. Voulez-vous que la Terre soit habitable? Cessez de jeter vos saloperies.
Augustin est souvent présenté en noir et blanc, théologien intransigeant et pasteur indulgent, trop pasteur pour les protestants, trop théologien de la grâce pour les catholiques. S’agit-il des clichés dont Goulven Madec déplorait qu’ils continuent d’avoir cours ?
Madec avait raison. Il y a un saint Augustin « éclairant » et un saint Augustin « convaincant ». On peut jouir de la beauté de ces écrits et de la clarté de sa pensée, mais lorsqu’il nous dit que nous ne sommes pas si malins que cela, que nous devons nous adresser à ce qui est au-dessus, à partir de là nous aimons moins. L’on voit bien chez Augustin deux faces opposées. Il est en cela signe de contradiction, comme le Christ, toutes proportions gardées.
On fait grief à Augustin d’avoir prêché l’antijudaïsme, d’avoir enseigné une « haine de soi », d’être l’un des agents du désenchantement du monde…
Il y a une rivalité entre juifs et chrétiens, depuis que la séparation a été voulue des deux côtés. Mais on ne sait pas trop à quelle époque elle s’est scellée. Il y a eu des judéo-chrétiens jusqu’au IXe siècle, estimait l’universitaire israélien Shlomo Pinès. Alors, comment cela s’est passé? Est-ce qu’Augustin est pire que, par exemple, Jean Chrysostome? Qui vise-t-il, des gens ou des idées? Historien de l’antisémitisme, Léon Poliakov rappelait toutefois que, pour Augustin, le peuple juif conservait sa dignité de témoin, la Nouvelle Alliance n’ayant pas de sens sans la première. Quant au désenchantement du monde, à la désacralisation de la nature, elle a débuté avec les prophètes de l’Ancien Testament. Mais le principal agent désenchantant, c’est la science moderne. Peut-on établir une généalogie entre la science moderne et le christianisme? C’est ce que pensaient Pierre Duhem (1861-1916) et Alexandre Koyré (1891-1964).
La conception qu’Augustin se fait de la sexualité est-elle périmée ?
Mais ce sont nos conceptions actuelles de la sexualité qui sont vouées à l’oubli. D’autant plus qu’on en change à un tel rythme! Qui aurait anticipé dans les années 1960 que la pédophilie deviendrait quarante ans plus tard un crime absolu, phénomène d’autant plus intéressant qu’il se manifeste dans une société de refus de l’enfant.
Les autorités algériennes saluent en Augustin un grand écrivain berbère. Que dit-il de sa terre d’Afrique ?
On apprend peu de chose sur le monde punique ou berbère chez Augustin. Dans un commentaire, il mentionne « salus », un mot de la langue phénico-punique, qui se trouve signifier à la fois salut et trois (comme Trinité). Les Carthaginois étaient des colons comme les Grecs en Italie du Sud: ils avaient apporté leur langue. Les Berbères étaient là avant eux.
Augustin a-t-il été lu par les penseurs arabes ?
Je n’en ai pas trouvé l’ombre de la moitié de la trace chez les philosophes arabes qui, comme toute la civilisation arabe, en Afrique du Nord comme en Andalousie et dans le reste du monde, vivent du déni de tout ce qui l’a précédé. Y compris Averroès. Rien avant le prophète! Quand ils sont philosophes, ils admettent Aristote, mais un Aristote dont les chrétiens de leur époque, ceux de Byzance, seraient devenus indignes.
Quel lien entre la dimension philosophique et la dimension religieuse ?
Pour Augustin, les deux ne se distinguaient pas. La philosophie antique, comme y a insisté Pierre Hadot après Nietzsche, est avant tout un art de vivre. Augustin croyait avoir trouvé la bonne philosophie dans le christianisme. Chez lui, philosophie, spiritualité et théologie, c’est kif-kif. Il voit dans l’incarnation quelque chose qui n’est pas dans la philosophie, mais qui se situe dans son droit fil et qui la couronne. Un peu comme dans la grande musique: vous ne pouvez pas prévoir ce qui va venir après la mesure que vous venez d’écouter mais, une fois que vous l’avez entendue, vous savez qu’il ne pouvait en être autrement. L’incarnation, il ne pouvait pas l’imaginer. Une fois qu’elle est là, il voit que c’est la pierre de faîte qui manquait.
Rémi Brague
Du Dieu des chrétiens
et d’un ou deux autres
Champs essais
Présentation de l’ouvrage de Rémi Brague : Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres
Quel est le dieu des chrétiens? Quelles en sont les caractéristiques ? Quelle en est la singularité? À ce sujet vaste et quelque peu intimidant, le philosophe Rémi Brague répond en sept chapitres concis, informés, stimulants.
Que Dieu soit bien au-delà des représentations que l’on s’en fait, c’est une affaire entendue, mais cela ne justifie pas pour autant les approximations et les confusions qui sont de mise aujourd’hui dès qu’on aborde les questions religieuses. Car tout le monde ne se fait pas de Dieu la même idée, et celle que s’en font les chrétiens est, au fond, plutôt surprenante.
Qui est alors ce dieu, et qu’en pouvons-nous connaître? Il est un, mais pas de n’importe quelle façon; il est père, mais non pas mâle; il a parlé, mais pas pour nous demander quoi que ce soit; il pardonne, mais sans ignorer la décision de notre liberté. Au terme de cette enquête, le lecteur pourra accepter ou refuser le dieu des chrétiens ; dans les deux cas, il le fera en connaissance de cause.
L’auteur
Rémi Brague est professeur de philosophie médiévale à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à la Ludwig-Maximiliän Universität de Munich. Il est l’auteur d’une centaine d’essais, dont La Loi de Dieu (Gallimard, 2005), Au Moyen du Moyen Age (La Transparence, 2006 ; Champs-Flammarion, 2008) et Introduction au monde grec (La Transparence, 2005 ; Champs-Flammarion, 2008). » La grande qualité du livre de Rémi Brague, c’est d’ouvrir l’esprit, au-delà de tout préjugé, à cette mesure et à ce mystère qui nous invitent hors de nous-mêmes. « (Le Monde des livres).
- Pour se procurer l’ouvrage de Rémi Brague : Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres
Marcel Neusch
Saint Augustin
Splendeur et misère de l’homme
Collection épiphanie
aux éditions du Cerf
Présentation de l’ouvrage de Marcel Neusch : Saint-Augustin : Splendeur et misère de l’homme
Si les différents chapitres de ce livre traitent chacun d’un aspect particulier de la pensée d’Augustin, ils sont regroupés en fonction de l’axiome : Noverim me, noverim Te ! » Me connaître, Te connaître ! » La pensée d’Augustin se déploie entre ces deux pôles inséparables, l’homme et Dieu.
Les neuf premières études sont placées sous le signe du visage de Dieu ; les neuf suivantes s’attachent à considérer l’homme dans sa condition temporelle. L’ensemble témoigne de la logique d’une vie devant Dieu, logique que fait ressortir le titre de l’ouvrage : Splendeur et misère de l’homme.
Dans chacune de ces pages, Augustin se révèle comme un inlassable chercheur de vérité, avant comme après sa conversion :
» Seigneur mon Dieu, mon unique espérance, exauce-moi de peur que, par lassitude, je ne veuille plus te chercher, mais fais que toujours je cherche ardemment ta face (Ps 104, 4). Ô toi, donne-moi la force de te chercher, toi qui m’as fait te trouver et qui m’as donné l’espoir de te trouver de plus en plus. «
Augustin entraîne son lecteur dans cette recherche.
S’il est passé pour un maître dans la théologie occidentale, c’est bien malgré lui. Car nous n’avons qu’un seul maître, le Maître intérieur, et nous sommes tous à son école. Augustin accepte tout au plus le rôle de pédagogue. Mais dans ce rôle, il est indépassable.
- Se procurer l’ouvrage de Marcel Neusch : Saint-Augustin : Splendeur et misère de l’homme
![Marcel Neusch Marcel Neusch](http://www.editionsducerf.fr/html/auteur/photos/auteur3099.jpg)
Marcel Neusch
Marcel Neusch, spécialiste de saint Augustin
Né en 1935, Assomptionniste, docteur en philosophie à l’Université de Toulouse et en théologie à l’Institut catholique de Paris, Marcel Neusch est un spécialiste reconnu de saint Augustin. Il a été responsable de la formation des jeunes religieux de l’Assomption. Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, il collabore au quotidien La Croix.
En outre, Marcel Neusch anime de nombreuses sessions, en particulier sur saint Augustin. Il dirige la revue biannuelle de spiritualité augustinienne : « Itinéraires augustiniens ».
Marcel Neusch écrivait dernièrement dans La Croix à propos de la parution d’une partie de la correspondance de l’évêque d’Hippone, ses trente premières lettres.
Augustin au miroir de sa correspondance
Article de Marcel Neusch paru dans la Croix le 6 juillet 2011
http://www.la-croix.com/Culture
Ces trente premières lettres d’Augustin témoignent de la profonde mutation intervenue entre sa conversion et son ordination épiscopale
Devenu prêtre, puis évêque, Augustin était surchargé de tâches. On lui écrivait de tous les coins de l’Empire. Il se voyait sollicité sur toutes sortes de sujets, et chacun de ses correspondants voulait être le premier servi. À son vieil ami et compatriote Evodius, devenu évêque d’Uzalis, il écrivit un jour : « Tu demandes bien des choses à un homme très occupé ; et, chose plus grave, tu penses que l’on doit, en dictant, faire vite sur des sujets qui sont si difficiles que, même en dictant ou en écrivant avec le plus grand soin, on a peine à les mettre à la portée même d’hommes tels que toi. »
Augustin se voyait souvent réduit à répondre à la dernière lettre qu’on venait de lui remettre, au détriment d’autres tâches, et surtout au détriment des ouvrages fondamentaux en cours de rédaction. Faut-il le regretter ?
Les lettres d’Augustin – environ 300 pièces qui vont du court billet à l’étendue d’un livre – contiennent une mine de renseignements inestimables sur sa vie et ses activités. On s’étonnera sans doute de sa discrétion sur ses proches ou quand il s’agit de lui-même. « De l’être de chair qu’était Augustin, écrit Serge Lancel, on ne tirera pas un portrait de ses lettres. » Qu’on ne s’attende pas non plus à nous voir offrir « un bouquet de souvenirs pittoresques ».
S’il ne cesse de célébrer l’amitié – il avouait qu’il ne pouvait être heureux sans amis –, elle n’a rien de sentimental. Elle est comprise comme un échange où l’on parle d’esprit à esprit. En revanche, les débats du temps, comme celui de la liberté et de la grâce, dont traitent ses œuvres majeures, sont très présents dans ses lettres.
Si cet ensemble épistolaire si riche est parvenu jusqu’à nous, écrit Serge Lancel, c’est d’abord parce qu’Augustin, comme quelques-uns de ses devanciers, s’est efforcé d’en conserver les éléments, lettres reçues et surtout lettres envoyées.
De ses propres lettres, dictées, il envoyait une copie et conservait les minutes. De celles-ci étaient tirées, outre l’exemplaire adressé au correspondant, une ou plusieurs copies qui demeuraient dans les archives d’Hippone et pouvaient circuler à la demande. Des éditions partielles devaient circuler déjà du vivant d’Augustin. Après sa mort, au plus tard vers le milieu du Ve siècle, sa bibliothèque fut transférée à Rome, lettres comprises.
La présente édition – texte latin et traduction, avec des notes abondantes – comporte une introduction remarquable de près de 200 pages où l’ensemble du dossier de ces 300 lettres est analysé sous différents chapitres : les destinataires des lettres et leurs destinations, les porteurs des lettres, l’homme Augustin et son œuvre au miroir de sa correspondance, l’épistolier comme acteur et témoin de son temps, la langue et le style d’Augustin, le cheminement des lettres à travers les siècles, etc.
Ce premier volume contient les 30 lettres antérieures à l’ordination épiscopale d’Augustin. Elles témoignent de la profonde mutation qui intervient entre les débuts de sa conversion à Milan, et sa charge ecclésiale, comme prêtre et évêque d’Hippone.
Après les Confessions, c’est dans ses lettres qu’Augustin se révèle le mieux tel qu’il est, soucieux de dialogue, avec une vive conscience de sa responsabilité, mais toujours brûlant d’envie de « toucher » son interlocuteur, à défaut de pouvoir le rencontrer, du moins par « le biais de ces lettres qui s’envolent au loin ».
Signalons aussi : Firmamentum narrat. La théorie augustinienne des Confessions, de Jacques Ollier (Parole et Silence, 338 p). Centrée sur les quatre derniers livres, cette thèse justifie l’unité des Confessions à partir des règles de l’art rhétorique dont Augustin n’a rien oublié en se convertissant.
Marcel Neusch
Jacques Ollier
Firmamentum narrat
La théorie augustinienne des Confessions
Collège des Bernardins
Editions Paroles et silence
Présentation de l’ouvrage
Qu’est-ce que confesser, selon saint Augustin ? Ce livre y répond. L’analyse rhétorique des quatre derniers livres des Confessions atteste d’une part l’unité remarquable de cette couvre majeure.
Cette analyse – la première à couvrir une aussi large étendue de l’ouvrage – permet d’autre part de percevoir le mouvement de la pensée de l’évêque et découvre ainsi la théorie augustinienne des Confessions.
Au Livre X, la confession de l’amour de Dieu et d’une ignorance morale font espérer la Sagesse qui vient d’en-haut, le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus Christ.
Au Livre XI, la tension de l’esprit vers ce qui est en avant conduit à l’antériorité sans antériorité qu’est Dieu éternel.
Au Livre XII, la polysémie des Ecritures, comprises dans la vérité, laisse entrevoir qu’un sens personnel peut, être donné à l’Ecriture dans laquelle se reflète l’existence humaine.
Au livre XIII, l’ultime destin de l’homme se découvre au firmament des Ecritures, firmament entendu comme l’expression symbolique de la bible et, dans le latin classique, comme preuve décisive de l’art oratoire. Car c’est à nous convaincre de confesser que s’efforce Augustin dans les quatre derniers livres de ses Confessions.
L’appareil rhétorique qu’il possède parfaitement, uni au pouvoir propre des Ecritures, lui permet de constituer un lecteur idéal et de l’exhorter à la confession. Ainsi, après avoir lu les Confessions, le lecteur est-il dans la situation d’ouvrir à nouveau le livre et de confesser à la manière de saint Augustin : « Magnus es Domine, et laudabilis valde ».
L’auteur, le Père Jacques Ollier est prêtre du diocèse de Paris, curé de Saint-Etienne-du-Mont et enseignant à la Faculté de théologie du Collège des Bernardins.
- Rémi Brague : Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres
- Marcel Neusch : Saint-Augustin : Splendeur et misère de l’homme
- Jacques Ollier : Firmamentum narrat : La théorie augustinienne des Confessions
- Oeuvres de saint Augustin. : Volume 40-A, 6e série, Lettres 1-30. Epistulae I-XXX
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